mercredi 22 août 2012

Au poète pendu

Aller, on va faire un tour au bar du poète pendu. J’en ai assez de moisir ici. La ville frisonne comme une grosse bête dans l’air frais. La lune est orange. L’automne s’est enfin réveillé.
J’enfile ma robe ; tu pourras retrouver ton veston en velours. Il s’embête, il discute avec les perce-oreilles au fond du garde-robe. Laisse ta mine de Verlaine avili aux vents mauvais. On va raser les ruelles et sauter la clôture du parc comme des chats errants. 

Aller, pose ton livre. Le bar est juste en bas de la colline. Dis à Ulysse de t’attendre au fond d’un pub irlandais ; c’est à notre tour d’aligner les bières rousses le long du comptoir. Ça ne fait mal à personne d’oublier de pleurer le temps d’un soir. Je suis fatiguée de voir les fantômes qui flânent dans tes yeux.

Tu sais, moi aussi j’en ai soupé des marches funèbres et des âmes éclopées. J’en ai le coeur rapiécé au gros fils. Mais je t’assure qu’un jour, au bout d’un verre ou deux, on finira par en rire.

Aller, dérobe-toi aux succubes qui t’attendent au fond du lit. La nuit est jolie, les fenêtres pleines de lumière. Tu vas encore tout manquer. Les rideaux tirés à te branler entre les draps en potassant Sade. Mets tes souliers, ça fait des jours qu’ils n’ont pas goûté à la fraîcheur du pavé. On pourra chanter faux dans la rue, embêter les voisins qui dorment et faire hurler les cabots.

On rentrera par le cimetière et on ira compter les fantômes. Et pourquoi pas libérer les tiens pendant qu’on y sera. Tu les nourris trop, tes spectres aux yeux doux ; tu finiras l’intérieur dévoré, éffondré sur le plancher de la salle de bain. Ça serait triste. Je t’aime bien, tu sais.

Aller, j’ai besoin d’une bière. Prends tes clefs et n’oublie pas de nourrir le chat ; on n’est pas prêts de rentrer.


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