Rasoir

Poésie

Assise sur le porche,
j’ai le rasoir d’Ockham à fleur de peau
Mon nom est Hannah
Sans paraphraser Melville

Voyez-moi;
À me noyer dans la mer morte
qu’on m’a donné à boire comme l’impossible
Et les cris des sirènes échouées sur le béton
Se heurtent au silence si durement gagné
Ma mâcheoire fracturée est mon oliphant,
mon regard a la clarté du ciel filtré par les yeux du condamné

Voyez-moi;
Assise sur le porche
Mes doigts caressent le bois qu’il faudra prendre pour me crucifier
Un bois qui ne vaut pas les clous rouillés pour me crucifier
Comment apprendre à aimer ce qui demeure
Sans le suspendre au soleil pour lui gercer les os

Voyez-moi;
Assise sur le porche
Vous regardez le bois que carressent mes doigts
Pour mieux fuir mon regard visqueux
C’est moi qui porte mon nom comme une ombre

Voyez-moi;
Viendra le moment où mes yeux rencontreront les vôtres
Comme le fond du baril d’un pistolet russe
Six balles comme deux impasses
Mon nom est Octobre
Sans paraphraser Baudelaire
Mes os blanchis au soleil
Comme héritage de nos automnes
Qui succèdent aux mornes étés
Ceux que vous avez désossés à l’aide du couteau de pêche de mon père

Voyez-moi;
Je suis descendue au jardin
Comme la mauvaise herbe qui fleurit
Où vous avez enterrés les chats morts de vos amours
C’est le fusil de chasse de mon père qui s’y repose
Succubes de nos banlieues,
mes larmes sont l’antidote à la cigue qui vous brûles les veines

Voyez-moi;
Mon regard creux comme le canon d’un fusil de chasse
Que vous dévisagerez
L’âme fuyante comme les crapauds
Des étangs où vous avez laisser croupir l’été

Voyez-moi;
Oui monsieur,
Mon nom est personne
Sans paraphraser personne